Camps Odyssée

Y’a pas de camp sans campeurs

Publié par Jules Boudreau
vendredi 14 octobre 2016

« J’avais jamais vu mon fils aussi épanoui et resplendissant de toute sa vie! Merci pour tout. »

Un parent qui dit ça à un moniteur à la fin d’un séjour en venant chercher son enfant, qui a les genoux plein de bleus mais un air de liberté sur le visage, ça arrive fréquemment dans un camp de vacances. Certains enfants et adolescents  – moi le premier – restent marqués à vie par des moniteurs ou monitrices, qui font tout pour motiver et inspirer leurs campeurs pendant les intenses semaines qu’ils passent ensemble. De  mon époque de campeur à Trois-Saumons, j’ai encore des souvenirs limpides d’un de mes anciens moniteurs qui pousse mon groupe de Montagnards paresseux à faire neuf heures de marche jusqu’au site d’expé, à coups de discours motivationnels et de chansons à répondre, ou d’un autre qui enseigne avec toute la patience du monde à un moi de 14 ans comment jouer Job le Beatnik à la guitare pour impressionner la fille dans la hutte d’à côté. Mais ce que les jeunes et leurs parents ne réalisent peut-être pas, c’est que l’effet est réciproque : les campeurs laissent, eux aussi, une marque profonde dans le cœur et la tête des moniteurs.

Travailler dans un camp de vacances, ça veut avant tout dire être en contact avec des enfants, jeunes comme moins jeunes. Des campeurs qui ont grandi dans plein d’environnements différents et qui sont passionnés par des sujets et des activités des plus éclectiques. Il y en a qui sont à leur premier séjour, d’autres sont pratiquement nés au camp, élevés sur la tarte aux Smarties. Certains sont exubérants et racontent leur vie à qui le veut, d’autres plus introvertis que Karounga. Et être en contact avec ces jeunes-là – différents dans leur personnalité, mais semblables dans leur objectif de vivre une, deux ou trois des plus belles semaines de leur vie – il n’y a rien de plus enrichissant comme vocation.

L’été dernier, j’ai passé deux mois avec des gars et des filles de 13-15 ans, bien davantage en tant qu’ami que superviseur. Auprès d’eux j’ai découvert des jeunes plus courageux que moi, plus drôles que moi, plus brillants que moi. Des jeunes qui avaient infiniment plus de talent que moi pour cuisiner des s’mores sur un feu de camp sous la pluie – ça c’est foutument impressionnant – et d’autres qui m’humiliaient à chaque fois qu’on jouait au soccer dans la bouette du terrain de balle molle.

À l’extérieur du camp, me lever de mon lit avant 10h du matin est un exploit digne d’un récit, mais à Trois-Saumons j’avais toujours des jeunes crinqués qui sautaient sur mon lit au lever du soleil et qui à chaque jour parvenaient à extirper jusqu’aux dernières gouttes d’énergie qui restaient en moi. Avec mes campeurs et campeuses, je me suis dépassé, j’ai ri comme jamais, j’ai pleuré (pow-wow d’expé du premier séjour, tu m’as brassé le dedans bien comme il faut) et j’ai appris, sur la vie de camp comme sur la vie hors camp. Si un moniteur offre beaucoup de choses à des campeurs – dans mon cas surtout sous la forme d’activités niaiseuses et de conseils à cinq sous – je suis persuadé qu’ils lui en redonnent le double.

Je dédie ça à tout mes anciens campeurs, vous êtes les meilleurs.

Jules Boudreau